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AROLLA S'APPRÊTE A REVOLUTIONNER SON TOURISME

Pour lutter contre le paupérisme des hautes vallées, pour donner aux paysans de montagne une vie descente

Vision traditionnelle: La Forclaz qui entrera dans le complexe touristique par un téléphérique jusqu'à l'alpage de Zaté.

A quatre heures de Turin, à trois heures de Berne, à trois heures et demie de Genève, tels sont les temps qui nous séparent d'Arolla en voiture. Arolla: 2111 mètres d'altitude dans le val d'Hérens, à 40 km de Sion, cette dernière ville bientôt reliée par une autoroute au réseau européen, à l'Italie par le tunnel du Grand-Saint-Bernard, au nord par le tunnel du Rawyl. Actuellement, il existe un service de cars postaux qui assure le trajet Sion-Les Haudères-Arolla (en été, jusqu'à cette dernière station).

Arolla, un nom prestigieux qui fut l'un des plus fameux parmi ceux que consacra la découverte de l'alpinisme par les premiers pionniers vers 1860, lieu qui demeure lié à la commune d'Evolène avec les agglomérations des Haudères, La Sage, La Forclaz, Villa, La Tour, Lana qui eurent chacune leur propre développement.

Le sort d'Arolla fut peut-être moins enviable: dès 1945, la région fut inscrite dans les plans de l'Energie Ouest-Suisse, prévoyant l'utilisation totale des ressources hydrauliques des Alpes valaisannes: projet Grande-Dixence. Dès lors, ce fut l'envahissement de vastes chantiers qui réduisirent considérablement l'essor touristique de cette station qui comptait 30'000 nuitées en été avant la guerre de 1914 pour tomber actuellement à moins de 3000!

Au terme des grands travaux, l'avenir préoccupe la population, car tout en constatant l'impossibilité de revenir à la vie paysanne, il est difficile d'envisager une migration massive, les habitants étant attachés à leur terre et à un esprit communautaire qui est loin de s'affaiblir.

Problème complexe qu'il fallait résoudre, problème que se posa l'un de nos plus grands alpinistes et spécialistes de ces questions, M. Rodolphe Tissières, de Martigny, que je suis allé trouver pour lui demander des précisions à ce sujet.

Avec Rodolphe Tissières

Dossiers, plans, cartes, photos, un bureau chargé de documents, coups de téléphone, lettres à signer, à la veille d'un départ pour le Spitzberg, R. Tissières a bien voulu exposer avec sa clarté habituelle la situation telle qu'elle se présente dans certaines vallées valaisannes:

- L'agriculture de montagne subsiste, nous le savons, grâce aux subsides qu'elle reçoit: sans ces artifices, il y a longtemps qu'elle serait morte. Déjà depuis longtemps, la vie en montagne est dure, pénible; notez, par exemple qu'en montagne, un jour de travail progure 150kg de foin contre une tonne en plaine! Du fait de la division extrême de la propriété, le Valais possède, de tous les cantons, le plus de parcelles différentes par unité d'exploitation, et cela par suite du Code Napoléon. Il faudrait que l'agriculteur possédât 8 à 10 hectares dont 3 à 4 pour ses propres besoins. Mais que voyons-nous chez nous? Des familles, souvent nombreuses, qui vivent avec une ou deux vaches...

- D'où cette émigration dans les villes des enfants qui s'engagent comme bonnes, serveuses, manoeuvres sur les chantiers. Mais, l'industrie? Pourquoi ne pas introduire cette activité si rentable?

- Les vallées ne se prêtes pas à l'industrie...

- Mais n'existe-t-il pas des fabriques d'horlogerie dans certaines communes, Vollèges, Fully, Saint-Nicolas, par exemple?

- Le problème est tout autre en ce qui concerne ces industries fines. Mais dès qu'on veut installer une grande industrie, on se heurte immédiatement à la question de transport, difficile dans nos vallées exiguës.

En précisant qu'il renchérit de 8% le coût des produits manufacturés, nous comprendrons que ce 8% représente justement le bénéfice. Alors que faire? Payer moins l'ouvrier de montagne? On conçoit justement que ce serait là une grosse iniquité.

Tout en restant à la terre, au sein de cette communauté paysanne qui leur est presque physiquement nécessaire, les gens des hautes vallées trouvent dans un progrès bien compris un complément bienvenu. Un motoculteur, ça aide, n'est-ce-pas?

Eux aussi ont droit aux vacances, aux loisirs comme les enfants des villes. Alors que faire, sinon apporter de l'eau au moulin?

Dans le cadre du Marché commun

- Un autre apect du problème qu'il nous faut déjà envisager: que deviendra la Suisse dans le cadre du Marché commun? Je pense qu'il est temps de considérer cet avenir d'un oeil averti.

- Et vous concluez, monsieur Tissières?

- Seule l'introduction d'un tourisme industrialisé peut sauver nos vallées, et particulièrement le val d'Hérens, d'un dépeuplement qui amènerait sa mort à brève échéance. Dans le cadre du Marché commun, nous présenterions le Valais comme une région surtout touristique et tout le monde y gagnerait.

- Mais une rapide industrialisation hôtelière, ne serait-elle pas source de dangers d'ordre moraux?

- Certes, nous en sommes conscients. L'un de ces premiers dangers est la spéculation, nuisible sous tous les rapports. Qu'un brave agriculteur qui a trimé toute sa vie puisse vendre son terrain même de 50 à 60 fr. le m2, c'est tant mieux, j'en suis le premier heureux. Cependant ceux à qui il faut barrer la route c'est aux margoulins qui se précipitent sur des terrains pour les revendre à des prix exorbitants.

- Cet exemple pourrait devenir nuisible, n'est-ce-pas?

- Naturellement; puis il y a les tentations pour nos gens placés subitement dans un milieu plus facile. Du reste, quel que soit le développement d'un pays, ce danger est inévitable.

- Et quel en est le remède, monsieur Tissières?

- Je pense que, dans ce domaine, le rôle du clergé et du corps enseignant doit être essentiel.

Le tourisme n'exclut pas la terre

- Et quels sont vos projets?

- Avant d'entrer dans le vif du sujet, que je vous donne des exemples. Voyez Verbier et notre société de téléphériques. Nous avons occupé 84 employés de décembre à avril, qui ont largement gagné leur vie, sans compter les hommes de métier, appareilleurs, maçons, etc. Or, ces gens peuvent ensuite retrouver leur métier d'agriculteur sans aucune crainte, car pendant la belle saison où ils travaillaient pour nous, leurs femmes s'occupaient du petit train de campagne. Ainsi ces personnes restent attachées à la terre, ce qui est essentiel, je le répète. En effet, on peut admettre que la vie active de notre temps a laissé dangereusement s'appauvrir les rapports de l'homme et de son milieu naturel, et qu'il existe certainement aujourd'hui un besoin de retour à la nature.

- C'est dans cet esprit que vous comptez organiser la future station d'Arolla?

- Oui. En ce qui concerne Arolla-Les Haudères, je dois remercier ici le président Jean Maistre de sa compréhension et de la manière dont il essaie par tous les moyens de retenir dans le val d'Hérens une population qui, elle aussi, ne demande qu'à demeurer aux lieux de ses ancêtres.

- Si, dans cette vallée excentrique, vous voulez attirer du monde, je suppose qu'il est nécessaire que les installations soient comparables à celles des plus modernes?

- Oui, comparables au Gornergrat pour Zermatt, par exemple, ou aux Aiguilles-du-Midi pour Chamonix. C'est pourquoi depuis six ans, je pense au Pigne d'Arolla et c'est ce projet que nous avons mis en route! Nous avons ainsi créé un groupement, et, avec des architectes, nous avons monté un plan d'aménagement de la station d'Arolla, avec téléphériques et les annexes indispensables.

Un des rares endroits où le mulet est encore roi: le Val d'Hérens. Mais est-ce qu'un tracteur ne simplifierait pas la tâche des agriculteurs de la région!

M. R. Tissières:

"Il faut de toutes nos forces retenir la population des montagnes dans son milieu naturel; ce n'est pas par des paroles que nous y parviendrons..."

Skier toute l'année

- Arolla a toujours été un centre d'été plutôt que d'hiver, n'est-ce pas, monsieur Tissières?

- En général, oui. Les premières ascensions de la région datent de 1865; on comptait environ soixante guides à disposition dans la saison d'été. Le nombre de courses et leur variété plaçaient Arolla parmi les stations les plus réputées des Alpes.

- Et du point de vue des possibilités hivernales?

- Etant donné son altitude, Arolla bénéficie d'un enneigement favorable de décembre à avril; des piste intéressantes en direction du Mont-Dolin (2900m) permettront de skier à proximité immédiate de la station. Cependant, la mise en exploitation d'un téléphérique, particulièrement au Pigne avec une station intermédiaire, et deux téléskis au sommet, donnera la possibilité unique de skier toute l'année!

- Sans parler de la Haute-Route!

- Ou plutôt, parlons-en! Notre équipée en chenillette a fait couler pas mal d'encre, mais ce n'était qu'un simple essai d'un engin capable d'ouvrir des pistes et de rendre de multiples services. Non, la Haute-Route restera ce qu'elle est. Si l'initinéraire, qui fut inauguré en 1861, conduit de Chamonix à Zermatt, il existe cependant de nombreuses variantes. L'utilisation des moyens mécaniques de remontée ouvre de nouvelles possibilités qui feront de cette traversée des Alpes une attraction sportive mondiale.

- Quel est l'enchaînement que prévoit votre projet?

- Les skieurs pourront monter en téléphérique de Zermatt au lac Noir, que les touristes séjournant au Breuil atteindront également par le téléphérique du plateau Rosa, en redescendant par le glacier du Théodule. Du lac Noir, un service de taxi aérien par Pilatus-Porter transportera les skieurs en moins d'un quart d'heure à Tête-Blanche, à 3724m. De là, ils plongeront sur Arolla en une descente de 1700 m, pour remonter au sommet du Pigne à 3800m en téléphérique. Par le col de la Serpentine et le glacier de Cheillon, ils attendront le lac des Dix et la Barmaz après une descente de 1700m. Puis, arrivés par le téléphérique ou par hélicoptère au sommet de la Rosa-Blanche à 3336m, ils en redescendront par le Grand-Désert jusqu'à Tortin, à l'altitude de 2000m. De là, nos moyens de transport actuels et nos pistes les amèneront à Verbier. La durée du trajet peut être estimée à cinq heures à partir de Zermatt et à six heures à partir du Breuil.

- C'est un programme vraiment tentant!

Importance d'Arolla pour les villages environnants

- Pour nous qui habitons soit à Evolène, à la Forclaz ou dans les villages des environs, l'effort fait à Arolla a une grande importance, me déclarera le conseiller communal Gaudin.

Ce qu'on ignore, en effet, lorsqu'on parle d'Arolla et de son Pigne, c'est que toute la commune d'Evolène, vaste et étendue, est intéressée par ce nouvel essor que va prendre la station d'Arolla.

Des projets nombreux sont à l'étude, des décisions ont été porises à Evolène, afin que ce pays qui vit durement puisse à son tour bénérificer des avantages de la plaine.

C'est pourquoi, on ne peut isoler le problème d'Arolla de celui du reste de la vallée, ou du moins de cette fin de vallée. Encourager les initiatives privées, prévoir le développement de la commune, aller au-devant de surprises par une étude aussi exacte que possible de tous les facteurs qui entrent en jeu, culture, éducation, agriculture, morale, tel est le travail qui se présente aux édiles du Val d'Hérens.

Nous prévoyons, en parallèle avec Arolla, les installations suivantes: de Lannaz à La Mena en télécabine, et en téléphérique de Mena au Pic-d'Arzinol. Puis, ajoute M. Gaudin avec la précision qui le caractérise, sur la rive droite, départ d'un télécabine entre les villages de La Sage et de La Forclaz, avec aboutissement à l'alpage de Zaté, d'où rayonneront des télésièges. Vous comprendrez pourquoi nous comptons sur Arolla! Mais tout cela ne sera possible qu'avec la construction de routes qui doivent relier certains de ces centres.

On ne peut donc parler d'Arolla sans évoquer ces problèmes sur lesquels nous nous pencherons une autre fois, avec plus de précisions encore. Mais nous pouvons déjà nous rendre compte de l'immense complexe que représente le projet de M. Tissières et dans quel effort il s'inscrit, de l'interdépendance qui existe entre les divers villages de cette magnigique région du val d'Hérens.

Revenu auprès de M. Tissières, nous pouvons reprendre notre entretien au sujet d'Arolla

M. F. Gaudin, conseiller communal:

"Nous sommes tous acquis à cet effort de rénovation d'Arolla qui ne pourra qu'apporter à notre population un peu plus d'aise et de plaisir dans le travail."

Une des plus belles montagnes de Suisse

- Et quel sera le centre d'attraction touristique?

- Bien sûr, toujours le Pigne d'Arolla, une des plus belles montagnes de Suisse! Du Pigne, nous avons des possibilités nombreuses: redescendre sur Arolla, par le Pas-de-Chèvres, le Tsidjiore-mouve, le col des Ignes, le glacier de Vuibé et, s'ajoutant encore à ces itinéraires, les descentes de Chanrion.

- Et quels seront les parcours exacts des téléphériques?

- Arolla-Pigne avec station intermédiaire à 3000m; Arolla-Col des Ignes, station intermédiaire au nord du sommet du Mont-Dolin, à 2900m; Arolla-Col de la Tsa. Il nous semble d'un grand intérêt de grouper le départ de ces téléphériques en une seule station, ce qui facilite grandement le choix d'utilisation des divers itinéraires.

- Avez-vous prévu d'autres installations?

- Bien sûr, nous aménagerons des centres sportifs, avec patinoire, piscine, tennis, etc., afin de faire de cette région une station complètement équipée.

- N'avez-vous pas rencontré de difficultés dans la région lorsque vos projets ont été connus?

- Non! ceux qui vivent toute l'année en montagne ne demandent pas mieux que s'opère une transformation de leur vie difficile. Nos contradicteurs sont le Club alpin suisse et la Ligue pour la protection de la nature. Mais ces messieurs, eux, vivent pour la plupart en ville, dans des maisons confortables et ignorent les saisons si dures du montagnard. Il y a souvent loin de la poésie à la réalité! Et je puis vous dire que certains de ces messieurs ne se sont jamais élevés contre la construction de cheminées, de lignes électriques ou de téléphériques de transport quand eux-mêmes en avaient besoin pour leurs affaires... C'est pourquoi ces protestations me laissent un peu rêveur.

Le futur Arolla ne craindra pas de faire appel à des conceptions modernes de l'architecture, en respectant bien sûr le caractère du lieu. Ce sera l'unité de conception, source d'harmonie, qui prédominera. Il faut espérer que cette entreprise sera couronnée de succès, car elle entrainerait l'amélioration du sort de toutes les communautés environnantes. Notre photo: maquette de la partie nord du futur Arolla

Le panorama du Pigne d'Arolla est l'un des plus merveilleux des Alpes. C'est sur lui que sera centré le nouvel essor touristique de la station: un téléphérique, avec un palier intermédiaire, et deux téléskis allant jusqu'au sommet, permettront au enragés skieurs de se livrer à leur sport durant toute l'année!
Un Parc national

- Que préconisez-vous alors pour conserver certains régions du Valais à leur état naturel?

- Des parcs nationaux; sur la rive droite du Rhône par exemple. Je pense au Bitschtal, au Gredetschtal et Badritschtal. Là nous ne verrions ni avions, ni voitures, ni téléphériques et ceux qui voudraient s'éclairer à l'huile, auraient l'occasion de trouver, en d'autres régions demeurées "pittoresques" au sens où certains touristes l'entendent, des chalets à leur mesure.

- Je vous remercie, monsieur Tissières, de vos précisions et de ne puis que souhaiter la réalisation de ces projets qui apporteront, sinon à nous-mêmes, amis de ce fameux pittoresque, du moins aux habitants du pays un peu de ce confort, de l'hygiène dont chacun devrait pouvoir bénéficier en un siècle qui se veut essentiellement de progrès social.

Mich GRIN

article publié au début des années 60. Retrouvez les plans originaux dans notre médiathèque en ligne, rubrique "EXPO/MUSEE".
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